La «gamification» de la recherche marketing (2) : tendance ou buzzword?
Depuis quelque 10 ans, les médias sociaux ont imposé rapidement leur présence dans les conversations et au cœur de la majorité des foyers.
De la même façon, la ludification, ou « gamification », gagne maintenant du terrain. S’agit-il du dernier «buzzword» à la mode ou plutôt d’une nouvelle tendance?
En 2011, la firme Gartner prévoyait que la moitié des organisations innovantes utiliseraient les principes de la gamification sur un horizon de cinq ans.
Quelques exemples
- Nike a créé le service Nike+, qui permet aux coureurs, grâce à un dispositif intégré dans ses chaussures de course, de se donner des objectifs, de faire un suivi de ses performances, d’obtenir des récompenses virtuelles (badges) et, s’ils le souhaitent, de faire état de leurs performances sur les réseaux sociaux (source).
- Le ministère du Travail et des Pensions du Royaume-Uni a créé « Idea Street », un jeu ayant pour objectif de décentraliser l’innovation et de permettre aux 120 000 employés de partager leurs idées. Dix-huit mois plus tard, 4500 collaborateurs avaient généré 1400 idées, dont 63 ont vu le jour (source).
- Microsoft a créé Ribbon Hero 2, un jeu pour apprendre à utiliser ses logiciels Office (source).
Par ailleurs, le blogue français Advergame regorge d’exemples tout aussi intéressants les uns que les autres, du CV «gamifié» au commerce électronique, en passant par l’apprentissage scolaire.
Les avantages de la gamification, d’un point de vue marketing
Les promoteurs du concept sont convaincus que la gamification peut stimuler l’engagement pour toutes sortes d’activités, particulièrement celles qui seraient autrement ennuyantes. On peut penser à l’apprentissage d’un nouveau logiciel, à la participation à une consultation ou à un sondage…
La gamification et la recherche marketing
Si plusieurs grandes organisations et certains départements d’État s’en sont fait un allié, il en est de même pour les entreprises de recherche marketing. Certaines «gamifient» déjà leurs activités de recherche afin de stimuler la participation des membres de leurs panels web, notamment par le biais de tirages, de systèmes de points, de classement en fonction de la fidélité, etc. Il arrive que certaines pages d’inscription à des panels web de volontaires arborent l’aspect de concours, voire de jeux en ligne.
Un autre exemple intéressant nous vient d’Ipsos qui, après chacun de ses sondages, propose au répondant de jouer au «Poll Predictor» : le jeu consiste à deviner la proportion de personnes qui ont répondu «oui» à une question donnée.
Ainsi, certaines firmes n’ont pas hésité à plonger dans le mouvement. Mais s’agit-il vraiment d’une tendance? Si l’on se fie à la dernière édition du Greenbook Research Industry Trends Report, le mouvement est plutôt timide : seules 6 % des firmes interrogées disaient alors utiliser les principes de la gamification.
Une réflexion s’impose
Dans l’absolu, plusieurs détracteurs dénoncent la gamification sur une base philosophique, s’appuyant sur l’idée qu’elle dénature le plaisir de jouer, le plus souvent au profit de considérations mercantiles, ou encore qu’il s’agit d’un concept infantilisant, voire malsain.
Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La technologie sert très bien la recherche et les nouveaux outils constituent une adaptation et une évolution des techniques de recherche classiques à notre époque.
Là où une réflexion s’impose, c’est sur l’intégrité des données qui pourrait être compromise par les procédés ludiques. Est-il possible que les éléments de motivation « ludiques » deviennent si attrayants que la quantité supplante la qualité?
Imaginons, par exemple, un répondant tellement soucieux de sa «performance» qu’il remplirait à la hâte, sans y apporter l’attention nécessaire, le plus de sondages possible… avec les effets qu’on s’imagine sur la validité des résultats.
Le défi de l’industrie résidera certainement, en partie du moins, à trouver l’équilibre entre un « enrobage » séduisant des outils de recherche, tout en conservant un noyau solide du point de vue de la méthode et de la rigueur. L’intégrité des données devrait toujours demeurer la préoccupation première des chercheurs.
Autres sources :
Lesage, Valérie. Les Affaires, « Gérer en s’amusant » (page consultée le 14 février 2013).
Wikipédia, « Ludification », (page consultée le 14 février 2013).
À lire aussi :
La gamification de la recherche marketing (1) : définition
Cet article a été écrit par Caroline Masson, ancienne employée de SOM.
2 réponses à “La «gamification» de la recherche marketing (2) : tendance ou buzzword?”
Je crois que la gamification va croître en recherche marketing lors du premier contact avec les répondants (pour augmenter le taux de participation) et dans le choix des questions (pour les rendre plus agréables à répondre).
La gamification risque effectivement de croître, mais il faudra faire attention: un style de jeu qui semble infantile aux répondants les rebuteras.