Taux de participation aux élections générales et taux de réponse aux sondages d’opinion : même combat?

Taux de participation aux élections générales et taux de réponse aux sondages d’opinion : même combat?

Environ trois semaines avant les élections du Québec – j’étais alors au même resto rapide dont Julie parlait ici – je suis tombé, entre deux bouchées de mon succulent burger, sur un article de Marie-France Bazzo publié dans le journal de Québec. Elle y explique pourquoi elle n’ira pas voter. En substance, l’élection ne l’inspire pas car nos politiciens ne comprennent pas la «soif d’idéal» de l’électorat; elle recommande même de ne pas aller voter et d’alerter ainsi la classe politique «par un significatif ras-le-bol, quelque chose comme à peine 50 % de taux de participation.» (Elle doit être contente, il y a eu 57 % de participation à l’élection du 8 décembre.) Pour moi, c’est un triste moment de journalisme que cette promotion de l’abstention!

Un passage de son article m’apparaît cependant plus intéressant :

Comme citoyenne, je peux m’exprimer à travers des groupes, des lobbys, intervenir sur la place publique. En ce moment, ce pouvoir est plus précieux et plus efficace que mon vote.

Là, je suis entièrement d’accord. Il y a bien d’autres moyens pour exprimer son opinion! Le sondage d’opinion publique est l’un de ceux-là – et je ne parle pas que des sondages sur les intentions de vote. Une myriade de dimensions de notre vie collective sont touchées et mesurées par le sondage d’opinion.

Cependant, la population semble se retirer tout autant des sondages que des élections. J’ai fait l’exercice de comparer les taux de réponse des 15 dernières années de nos sondages omnibus téléphoniques réalisés auprès du grand public, avec les taux de participation aux élections générales du Québec, depuis 1994. Voyez plutôt…

Les taux de réponse ont chuté depuis 12 ans, enregistrant une variation à la baisse de 27%! Aux élections générales, le taux de participation des citoyens passent de 81% à 57% entre 1994 et 2008, soit une diminution de 24% en 14 ans. Le parallèle entre ces deux courbes est troublant : l’évolution du comportement de la population à l’égard des sondages et des élections est tellement similaire… Je ne me risquerai cependant pas à essayer d’expliquer cette similarité. Bien sûr, on pourrait dire que le sondage d’opinion est un dinosaure en voie de disparition (comme les élections?). Mais l’explication me semble un peu facile…

Dans un prochain billet, je parlerai de l’évolution des taux de réponse au Québec, au Canada et aux États-Unis. On verra que le phénomène observé depuis les 15 dernières années là-bas n’est qu’un prélude à ce qui pourrait se passer ici à l’avenir. Si mon hypothèse voulant que les taux de réponse aux sondages et les taux de participation aux élections suivent une courbe parallèle s’avère, le Québec, hélas, semble simplement en passe de rattraper le «retard» qu’il avait pris au chapitre du désengagement civique.

Sources des données
Les taux de réponse sont ceux du mois de mars de chaque année du sondage omnibus téléphonique de SOM (le SOM-R), 1 000 répondants par sondage, 2 à 5 sondages téléphoniques par mois. Les taux de participation aux élections générales proviennent du site Web du Directeur général des élections (document PDF).

Cet article a été écrit par Martin Noël, ancien employé de SOM.

3 réponses à “Taux de participation aux élections générales et taux de réponse aux sondages d’opinion : même combat?”

  1. Même combat ou même erreur?

    J’ai moi-même publié dans Le Soleil et La Presse du 13 décembre un petit texte expliquant le caractère rationnel de l’absentéisme électoral. Je viens aussi de publier ce matin sur mon blog un opinion similaire sur le retrait de la population des sondages. Je termine d’ailleurs mon billet ainsi :

    “Si les firmes de sondages ont de plus en plus de difficulté à recruter des répondants pour leurs enquêtes, c’est peut-être parce qu’elles respectent peu la ressource qui leur a permis d’exister et de prospérer. Lorsque la base d’affaire s’effrite, il ne suffit pas d’y voir une tendance lourde, il faut aussi se demander si celui qui alimente la production n’en a pas assez de se faire manipuler.”

    Est-ce un autre triste moment de journalisme? À vous de juger

    Note: Les deux billets sont disponibles à l’adresse suivante : http://pierresimard.blogspot.com/

  2. Je ne suis pas le seul à penser que ce n’était pas un des meilleurs moments de Mme Bazzo puisqu’elle s’est finalement rétractée: « Je voterai pour avoir le droit de chialer » (http://www2.canoe.com/cgi-bin/imprimer.cgi?id=427094). Sans flagornerie aucune, votre opinion, telle que publiée dans le Soleil, me semble vraiment plus articulée que la sienne cependant…

    Dans le contexte où vous avez écrit votre billet cité plus haut, j’ai tendance à être assez d’accord avec vous. Le genre de sondage bonbon qu’a commis Cyberpress et Ipsos-Reid génère probablement du trafic sur leur site Web mais heurte l’industrie de la recherche-sondage par son irrespect envers ceux qui ont généreusement accepté de participer (par exemple: http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/200812/14/01-810347-les-canadiens-comprennent-mal-leur-systeme-politique.php). Les responsabilités d’un sondeur sont d’administrer des questionnaires qui respectent l’éthique scientifique associée à n »importe quel protocole de recherche sérieux ainsi que de mettre en garde ses clients contre une interprétation intempestive des résultats. Une période électorale ne nous affranchie aucunement de ces contraintes. Ce n’est pas pour rien que SOM ne se livre pas à ce genre d’exercice, ni même aux sondages portant sur les intentions de vote en période électorale, en fait. Les médias ont cette fâcheuse tendance à récupérer les résultats d’enquête et à en faire un peu n’importe quoi, en autant que cela vende – hélas, certains de nos concurrents ne s’en soucient pas, pour notre malheur à tous…

    Je reste persuadé que le sondage demeure un des outils privilégiés pour faire progresser notre vie civique dans le sens que la majorité désire – en fait, je ne connais aucun moyen plus efficace (même les élections!). En conséquence, je n’entends pas démissionner en rationalisant la non participation des citoyens, comme vous le faites. Car si je déplore la baisse des taux de participation aux sondages, c’est justement parce que je respecte l’opinion de ceux qui nous donnent le privilège de la recueillir!

  3. J’ajouterais que, dans l’exemple cité plus haut (réf : http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-canadienne/200812/14/01-810347-les-canadiens-comprennent-mal-leur-systeme-politique.php ), il est difficile de juger de la qualité du sondage à partir du seul article de presse. Il est possible que l’auteur de l’article n’ait retenu que les « mauvaises réponses » pour mettre l’accent sur « l’ignorance » des citoyens… Mais j’imagine que le sondage comportait davantage de questions que les deux ou trois exemples qui sont rapportés dans l’article! Tout ça n’est que pure hypothèse – nous n’avons pas le questionnaire en main – mais il est possible que l’article soit tendancieux sans que le sondage lui-même ne le soit. Je ne suis pas sûre que c’était l’objectif de l’Institut du Dominion de faire passer les Canadiens pour ignorants… Pour en savoir plus sur cet Institut et vous faire votre propre idée : http://www.greatquestions.com/f/about_di.html

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