La forêt des scouts et les maringouins… ou l’art d’utiliser les méthodes d’animation projectives
Entre raison et émotion, les méthodes projectives permettent aux participants d’un groupe de discussion d’exprimer leurs perceptions à propos d’un produit ou d’un service de façon originale et, surtout, parlante. Parmi les méthodes les plus courantes, on retrouve celles de l’association d’idées : recueillir les premiers mots qui viennent spontanément à l’esprit en association avec un thème particulier.
Je vous présente aujourd’hui deux techniques que j’ai récemment utilisées, soit celle des «territoires» et celle du «carré projectif». Pour plus de détails, je vous invite à lire l’excellent ouvrage de Georges Guelfand, Paroles d’images : les méthodes projectives appliquées aux études marketing.
La technique projective des territoires
Il est possible de travailler sur la notion de territoire pour décrire le « pays » d’un produit quelconque : description physique, couleurs, odeurs, habitants, etc.
À titre d’exemple, j’ai travaillé sur l’image du scoutisme avec un groupe d’adolescents et d’animateurs (scouts et non-scouts). Le « pays imaginaire des scouts » est apparu à tous comme un pays essentiellement couvert de forêts. Pour les adeptes du scoutisme, la forêt offrait une protection. Elle apparaissait à la fois accueillante et habitée, tout en laissant un grand espace personnel. Les plus enthousiastes ont décrit de somptueuses et ingénieuses cabanes dans les arbres, dignes du film La forteresse suspendue. Pour les moins convaincus, on parlait d’une forêt d’épinettes noires, froide, inaccessible. Les rares habitants vivant dans l’inconfort et la frustration.
Après avoir discuté du « pays », on peut continuer la technique du territoire en travaillant différentes « régions », qui représentent autant d’éléments différents du produit. L’exercice permet également d’évaluer la cohérence de l’ensemble.
La technique du carré projectif
Une autre technique intéressante est celle du «carré projectif», composé d’un carré divisé en quatre «quadrants».
Dans le premier quadrant, on commence par inscrire tout ce que le produit évoque de positif pour les participants et dans le deuxième quadrant, tout ce que le produit évoque de négatif. Cette première ligne constitue les perceptions actualisées.
Dans une deuxième étape, on inscrit dans les quadrants 3 et 4 ce que les participants considèrent comme le contraire de ce qui a été décrit comme positif ou négatif. On obtient ainsi un ensemble de perceptions potentielles.
Le carré se lit en diagonale : on voit apparaître la perception positive actuelle et la perception positive potentielle. Pour évoquer les différentes perceptions, on peut utiliser soit des mots, soit des images.
L’utilité des techniques projectives
Pour avoir pratiqué les deux techniques avec le groupe de scouts, j’estime qu’elles sont complémentaires : l’essentiel des résultats est semblable, mais les nuances sont intéressantes. Les mots viennent plus facilement à l’esprit des participants que les images, mais ne disent pas tout. Dans le cas des scouts, il a été difficile pour les participants de trouver des images contraires aux images positives de « feu de camp », « jouer dehors », « canif ». Par contre, la technique des images a permis de faire ressortir des images de perceptions négatives comme « maringouins » de la part de jeunes scouts qui n’auraient jamais osé dire, avec des mots et devant leurs pairs, que le plein air suscite parfois aussi de l’inconfort.
Qu’est-ce que ça donne? L’application directe de ce type de méthode dessine une image des perceptions actuelles et du potentiel à développer. Dans notre exemple, l’exercice a conclu que les scouts devaient travailler l’aspect trop « rustique » de leur produit, gommer les archaïsmes et mieux intégrer leur proposition dans l’horaire de jeunes qui ont tous un agenda de premier ministre. Ils travaillent là-dessus…
Cet article a été écrit par Claudine Cusson, ancienne employée de SOM.
1 Georges GUELFAND (1999). Paroles d’images : les méthodes projectives appliquées aux études marketing, Gaëtan Morin éditeur, 166 pages.