Recrutement de participants 2.0
Dans un récent billet, je vous parlais de plusieurs méthodes qui permettent de recruter des participants pour des groupes de discussion (focus groups), des entrevues en profondeur ou encore des tests d’utilisabilité. Une nouvelle tendance se dessine en la matière, que j’appellerais le recrutement de participants 2.0.
Qu’est-ce que le recrutement de participants 2.0?
C’est tout simplement l’utilisation des outils du web 2.0 pour recruter des participants. Pour ceux qui l’ignoreraient encore, le «web 2.0» désigne une étape de l’évolution du web où des sites et des applications permettent le partage de contenus et l’interaction entre les internautes (ex. : blogues, wikis, partage de vidéos, réseaux sociaux, etc.) (voir une définition plus détaillée).
À titre d’exemple, on pourrait choisir de recruter des participants par l’intermédiaire des réseaux sociaux, comme Facebook. Le site permet en effet de diffuser une publicité ciblée en fonction de certaines caractéristiques géographiques et sociodémographiques. Ainsi, si vous souhaitez recruter des femmes québécoises âgées de 18 à 50 ans, votre «petite annonce» apparaîtra uniquement à ses personnes. Dans ce cas précis, Facebook évalue approximativement à 964 300 le nombre d’abonnées qui correspondent à ce profil.
Je simplifie, mais disons que la fréquence d’apparition de votre publicité est fonction du prix que vous êtes prêts à payer pour chaque «clic» d’un internaute. Pour plus de détails à ce sujet, voir ce billet de l’ami Michaël.
Les avantages
- Les coûts! C’est effectivement le principal avantage. Les coûts sont très bas si on les compare à d’autres méthodes.
- C’est aussi une méthode facile à mettre en œuvre, qui ne nécessite aucune infrastructure de recherche.
- La méthode est utile si les profils recherchés sont simples (peu de critères de recrutement) et qu’ils correspondent assez bien à ceux des abonnés Facebook en général (ex. : les jeunes).
Les limites
- Avec ce type de recrutement, il est impossible de choisir les participants sur une base aléatoire. Il s’agit donc de purs «volontaires» et, par conséquent, de personnes qui ont un intérêt particulier pour votre activité de recherche. Voilà qui peut compromettre, sinon la qualité, à tout le moins la richesse de vos résultats et découvertes.
- Aussitôt que le recrutement devient complexe (multicritère par exemple), l’utilisation des outils 2.0 est peu efficace. En effet, si on reprend notre exemple, dites-vous que les abonnés Facebook que vous ciblez devront d’abord 1) voir votre annonce 2) être intéressés par votre annonce 3) cliquer sur votre annonce et enfin 4) exprimer leur intérêt. À la fin de ce processus d’entonnoir, combien de personnes correspondront véritablement aux profils que vous recherchez? C’est un peu comme s’en remettre au destin…
- Par ailleurs, parmi les personnes qui vont effectivement se rendre jusqu’au bout du processus, combien seront des «participants professionnels»? Il risque d’y en avoir plus que moins. Et comme je le mentionnais dans un billet précédent, ces personnes sont à éviter autant que possible.
L’exemple de Zengo
Zengo est une firme de services-conseils en stratégie et positionnement web. C’est aussi un partenaire d’affaires, à la fois client et fournisseur de SOM. Zengo effectue régulièrement des tests d’utilisabilité pour ses clients et, dans ce contexte, a déjà testé la méthode de recrutement Facebook. Si la méthode est efficace dans certains cas, elle est moins probante dans d’autres. Aussi, à la suite d’un recrutement téléphonique que nous avons effectué pour eux dernièrement, Éric Leblond, de Zengo, comparait les deux approches et me mentionnait les avantages suivants du recrutement téléphonique :
- Des participants d’une plus grande qualité, ayant plus de choses à dire lors des tests d’utilisabilité;
- Un excellent taux de présence des participants recrutés (un seul ne s’est pas présenté);
- La facilité d’une approche clés en main : une fois les critères de recrutement déterminés, SOM s’occupe de tous les détails (recrutement, confirmation, paiement de la compensation dans certains cas, etc.).
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Recrutement de participants : téléphonique, en ligne et sur le terrain
6 réponses à “Recrutement de participants 2.0”
Je suis tout à fait d’accord avec ce billet 😉 J’avais moi-même été séduite par le recrutement de participants sur Facebook et j’en avais présenté les avantages dans un billet le 2 juin 2008 ! http://bit.ly/9QeqW5
Ce qui est notamment hallucinant, c’est la possibilité de cibler à l’extrême pour des coûts infimes. Et en plus, vous ne payez que si les gens cliquent… Donc on peut avec un peu d’ingéniosité recruter sans payer. Nous, nous avions mis le numéro de téléphone dans l’annonce 😉
De manière générale la recherche marketing va et doit évoluer avec les outils 2.0 pour toujours rester au plus proche du public…
Je suis d’accord également que la recherche marketing évolue et qu’elle ne peut ignorer les nouveaux outils 2.0. L’important est de ne pas céder à la tentation de l’improvisation… ce que je veux dire, c’est qu’on ne peut pas se lancer tête baissée dans les nouvelles tendances si on ne connaît pas leurs effets sur la qualité des résultats. Cela dit, quand on en connaît les limites et qu’on les explicite de façon transparente, ça fait du sens. Donc innover, mais de façon responsable… et transparente! 😉
Billet très pertinent. Le pouvoir de séduction du recrutement par les médias sociaux est fort. Surtout pour des raisons d’économie et de rapidité (ou du moins apparence de). Mais, comme dans tout, on en a souvent pour notre argent. À mon avis, le recrutement par facebook est très pertinent dans certains cas, mais n’est pas une règle générale applicable à tous les cas. Ça dépend beaucoup du site ou de l’application à tester (domaine, fonctionnalité particulière, etc.) et surtout des critères de recrutement (nombre, complexité, spécificité, rareté). Ces critères découleront directement de nos objectifs de recherche, qui doivent être le plus clairs possible avant de débuter la démarche de recrutement. Tester aveuglément nous apporte des résultats mitigés, avec peu de richesse, ou pire nous entraîne sur de mauvaises pistes. Et rien de pire que des participants non représentatifs, surtout lorsqu’on peut se permettre d’en rencontrer qu’un certain nombre.
Tu mets en lumière un point important Julie dans ton commentaire qui précède : la nécessité de bien expliquer les limites de façon transparente et rigoureuse, et ce, peu importe la méthode choisie. Malheureusement, c’est souvent une étape que plusieurs omettent (involontairement ou volontairement), comme la bête noire dont on ne voudrait pas entendre parler. En réalité, c’est comme si l’on voulait dire et faire valoir à tout prix qu’on a consulté les utilisateurs/clients, sans se soucier de comment on l’a fait, et donc, sans se soucier non plus de la validité des résultats. Cette attitude est très dommageable, car des responsables de sites (ou produits) se basent ensuite sur ces résultats (non valides), sans connaître leurs limites ou leurs crédibilités, pour prendre des décisions souvent cruciales pour l’avenir de leur projet ou entreprise.
Pour avoir testé (tests d’utilisabilité et de l’expérience utilisateur) et donc recruté des personnes provenant de toutes sortes d’horizons depuis près de 15 ans (dans le contexte d’Internet), je trouve qu’il faut bien y réfléchir avant de choisir une méthode ou l’autre. À mon avis, la richesse des découvertes vaut bien le prix qu’il faut mettre. Et même en matière de coût, je trouve qu’on oublie souvent de comptabiliser le temps à accorder au-delà du coût par clic de fb (le temps à filtrer, à sélectionner, à répondre, à confirmer, etc.).
Je suis toujours partante pour innover, et évoluer avec les outils 2.0 tout comme l’amie Stéphanie, mais de façon prudente et nuancée 😉
Merci Nathalie pour ces deux commentaires très pertinents. J’adhère entièrement à ton argumentation qui est aussi vraie pour les autres domaines de recherche. Aussitôt qu’il est question de méthodes, trois valeurs clés devraient primer, soit la rigueur, la qualité et la transparence.
Malheureusement, la facilité offerte par les outils 2.0 engendre également la montée du charlatanisme. Plusieurs s’improvisent spécialistes sans les compétences ni l’éthique nécessaires. Il est alors d’autant plus important de questionner les méthodes utilisées.
Excellent billet Julie!
Commentaires également très intéressants de mes collègues Stéphanie et Nathalie!
Encore une fois, c’est la preuve qu’il ne faut pas confondre ‘technologie’/moyen et méthode pour atteindre un résultat. La conception d’un test précède son implémentation. L’utilisation pertinente d’outil repose sur la connaissance de la contrainte méthodologique à l’intérieur de laquelle la méthodologie est implémentée pour demeurer valide.
Pas plus que Morae, une des solutions privilégiées pour assister à la réalisation de tests usagers conçoit, observe et produit des recommandations, cela assiste néanmoins grandement le processus de tests usagers en soi dans sa partie ‘matérielle’ (trace d’observation et codage parallèle à la saisie notamment). Les critères de recrutement, choix des tâches, élaboration des scénarios/guide de discussion, analyse des données et production de recommandations demeurent des parties non automatisables ni même ‘improvisables’ – comme semblait presque le suggérer Nielsen dans une récente alertbox! Je suis pour la démocratisation de notre profession, mais il y a des limites d’ordre quasi éthique à la vulgarisation scientifique à la Ratatouille 😉 Comme le souligne justement Nathalie, les compagnies fondent d’importantes décisions d’affaires sur la base de résultats de tests utilisateurs – même si pas assez encore à mon sens! 🙂 (http://www.useit.com/alertbox/anybody-usability.html)
Pour revenir au recrutement 2.0, je n’ai jamais recruté via de la pub dans FB, mais j’ai pu mettre à profit la force des réseaux (i.e.; network effects) dans un cas récent de recrutement ‘grand public’, dans le cadre de la collecte de données du pilote de la recherche de ma thèse. J’ai été impressionnée de pouvoir réussir à recruter tous les participants pour mes besoins en ayant recours à différents réseaux en ligne privés, associatifs et institutionnels (plus de 10 types de réseaux distincts via les groupes LinkedIn notamment). Cela m’a permis de recruter suffisamment de participants en moins d’une semaine pour cette étude qui ne nécessitait ni quota ni critère particulier à la base, mais à partir desquels j’ai pu réimposer des quotas ‘d’origine’ de types de réseaux pour assurer une variété de sources et de profils, ainsi qu’une distance au projet et aux tests usagers de façon générale. Et ce, pour un total d’une quinzaine de personnes correspondant en bout de processus vers une assez bonne représentativité socio-démo de base des utilisateurs d’Internet au QC.
Une approche non viable pour des projets clients sur une base régulière certes, mais ce que je tiens à souligner est que j’ai été sincèrement impressionnée par le rapport coûts/délais – dans un contexte où les budgets de recherche étaient partiellement subventionnés 😉 Bref, comme quoi on peut observer voire étudier le ‘phénomène’ Internet, mais ‘vivre’ sa réalité virtuelle réelle impressionne toujours et encore! 🙂